Vous avez eu la chance de rencontrer Laurier? Alors vous savez à quel point il est précieux pour la grande famille des Petits Frères. En 37 ans, en tant qu’employé et bénévole, il en a tracé des traits d’union significatifs avec des personnes aînées isolées. Alors qu’il entame le début d’une retraite plus que méritée, il nous parle de son parcours chez Les Petits Frères…
Il y a de ces maux qui, lorsqu’on les compose d’un trait d’union aimant et bienveillant, forment un mot qui est synonyme de « joie » et de « légèreté ». Ça se trouve que quelques-uns des Grandes Amies et Grands Amis des Petits Frères de Montréal diraient s’ils ou elles le pouvaient encore, une autre et dernière fois, que « Laurier » est l’un d’entre eux.
Laurier est bénévole et employé auprès des Petits Frères depuis plus de 37 ans. Il a deux bleuets bien mûrs à la place des yeux; de quoi ouvrir l’appétit de vivre à Monsieur Laurien et à ses Grandes Amies, Marthé, Lucette et Louise. Son regard donne le goût de le suivre…
Originaire du Saguenay, fils d’une grosse famille de onze enfants, il connaît le sens du partage, d’attendre son tour, des tablées grouillantes et de prendre soin des autres.
Il a d’abord été ébéniste puis animateur culturel et enfin, il a mis sur pied la Boutique au profit des Petits Frères. Il maîtrise l’art de distinguer les matériaux nécessaires pour réparer les liens qui se seraient brisés dans la vie des personnes aînées isolées.
« Le jumelage avec un Grand Ami » dit-il lorsqu’on le rencontre, « c’est une adoption : on prend soin d’eux comme si on prenait soin de nos propres parents ». Aussitôt dit, il ouvre les portes de son atelier dans lequel il fabrique des souvenirs.
Il raconte dans un croissant de sourire que son aventure chez les Petits Frères a commencé alors qu’il était assigné aux cuisines d’une maison de vacances de Saint-Jérôme, puis aubergiste au Domaine Juliette Huot d’Oka. On l’avait jumelé à Monsieur Laurien dont on évoquait les réserves et une certaine rudesse. Ce dernier s’était coupé complètement du monde. Aigri par les événements de la vie et ses nombreuses déceptions. Monsieur Laurien s’était retrouvé seul entre les quatre murs de son amertume, de sa colère et de sa rancœur. Mais Laurier n’allait pas se laisser détourner de sa volonté d’offrir généreusement de son temps à une personne dans le besoin.
Il y a eu une première rencontre, puis une autre, puis une suivante jusqu’à ce que le lien se crée. Il lui a fallu un peu de patience et des silences assez longs pour rester et ne pas partir. Jusqu’à ce qu’un petit miracle arrive, comme ça, en partageant humblement un verre de bière à la cuisine de Monsieur Laurien d’où émanait des odeurs de pain ranci et de renfermé : « Vous! Je veux vous revoir », avait ordonné ce dernier en ravalant une grosse gorgée d’attachement.
Quelques mois avant le départ de Monsieur Laurien, Laurier avait rapiécé, avec beaucoup de diplomatie, les liens brisés depuis des années entre son Grand Ami et sa fratrie. À un point tel que ses frères l’avaient entouré jusqu’à son dernier souffle comme deux parenthèses contenant ses maux composés d’un peu plus de joie et de légèreté.
Ensuite, il y a eu Madame Marthé qui ne prenait jamais de décisions sans lui en parler. Qui lui accordait une grande confiance. Un abandon ultime, le temps d’une visite aussi brève soit-elle.
Puis, Madame Lucette qui lui sautait au cou lorsqu’il entrait dans la pièce où elle se trouvait, qui adorait lui rendre visite à son tour dans son jardin, se sentir importante, sentir qu’elle faisait partie de la famille.
Et enfin, dernièrement, Madame Louise. « Elle est comme une mère pour moi », explique Laurier les yeux mouillés d’émotions et de tendresse. Elle souffre de plus en plus de pertes cognitives, mais elle arrive à le reconnaître, enfin, à reconnaître les traits de son défunt amour, son beau Gilles qu’elle voit apparaître dans le ciel bleu des yeux de Laurier. Dès qu’il entre dans sa chambre, elle se réjouit. Elle s’anime. Portée par un second souffle d’énergie. Comme si les plus jolis souvenirs prenaient vie devant elle. « L’essentiel est invisible pour les yeux, disait le Renard au Petit Prince, on ne voit bien qu’avec le cœur. » Faut croire que pour Madame Louise, Laurier est son « essence-ciel ».
L’expérience de bénévolat auprès des Grandes Amies et Grands Amis pour Laurier est une leçon de vie qui ne s’apprend pas dans les livres, mais bien d’un cœur à une main tendue, d’une voix à une oreille, d’un silence à l’espoir, d’une présence à un grand vide comblé de bonheur. En tant que bénévole, il reçoit autant sinon plus qu’il donne. Étant lui-même un survivant d’un grave accident de vélo, privilégié d’être toujours en vie et sur pied, Laurier est profondément convaincu qu’il faut partager nos chances.
Puissions-nous se joindre à lui pour tracer un trait d’union aimant et bienveillant qui viendra mettre un point à la solitude des personnes aînées d’un peu partout au Québec. Croire qu’il est inconcevable de mourir seul. Agir pour composer des mots qui riment avec créer un monde meilleur autour de soi. Pas besoin d’aller bien loin, parfois même juste la porte d’à côté.
Merci Laurier pour ta bonne humeur, ton dynamisme et ta bonté. Nous te souhaitons tout le meilleur pour la suite.
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